Un jour où l'hyène s'abreuvait au marigot, elle aperçut une grenouille qui coassait à tue-tête comme aiment à le faire les grenouilles.
« Grenouille, tu m'ennuies ; arrête là ton horrible discours. » ordonna l'hyène.
« Pourquoi m'arrêterais-je ? » répondit l'animal sans poils ni plumes ni écailles. « Ne suis-je pas grenouille ? Et la grenouille ne doit-elle pas coasser ? »
Et elle chanta de plus belle...
« Arrête-toi, animal imbécile, cria l'hyène dont le courroux croissait ; arrête-toi ou je ne fais de toi qu'une seule bouchée ! D'ailleurs, tu ne sais pas chanter ».
« Si je ne sais pas chanter, reprit la grenouille, toi, tu ne sais pas courir ».

L'hyène, cette fois, faillit s'étrangler.
« Moi, je ne sais pas courir ? Tu es décidément bien stupide. Ne sais-tu pas que je suis plus rapide que le lièvre, la biche et même l'autruche ? Un seul de mes bonds et il te faut cent de tes petits sauts ridicules pour m'atteindre. Comment oses-tu te comparer à moi ? »
« Tu te vantes, ajouta la grenouille dont le calme ne faisait qu'exciter la colère de l'hyène. Mais inutile de raisonner avec toi, tu es trop bête. Pour rabaisser ta superbe, faisons donc la course ».
« Soit, dit l'hyène, si tu n'as pas peur de te ridiculiser, allons-y. Le premier qui aura atteint la forêt sacrée qu'on voit à l'horizon gagnera ».

Tandis que l'hyène prenait son élan, la grenouille sauta prestement et se cacha dans la queue de son adversaire qui partit à toute vitesse.
Au bout d'un moment, l'hyène s'arrêta hors d'haleine, à une centaine de mètres du but. Comme elle ne voyait pas la grenouille, elle se reposa quelques instants, persuadée que l'autre était loin derrière. Puis, ne distinguant toujours rien, elle partit à la rencontre de la grenouille et se paya même le luxe de dévorer tranquillement une chèvre qui s'était égarée dans la brousse. Mais la grenouille avait, au préalable, quitté la queue touffue de l'hyène et parcourait sans se presser le reste du chemin.

Quand l'hyène eut décidé de rejoindre la forêt et arriva au but, elle trouva la grenouille qui chantait, confortablement installée sur une feuille :
« La grenouille court plus vite que l'hyène, la grenouille court plus vite que l'hyène ».
Confuse, l'hyène fit semblant de ne rien entendre, lâcha de dépit un horrible pet et courut cacher sa honte dans la forêt.

Il ne faut jamais s'estimer supérieur aux autres car on finit toujours par rencontrer plus fort ou plus malin que soi. En tout cas, la ruse court plus vite que les jambes.

Louis Vincent Thomas